.^\^-^^. -y > J '< 2 V CLAUDE LE PETIT. Frédéric Lachèvre. ^•■ / / \ f' \ . PQ 1817 )/ L65 V; 1913 LPC/nN LPK-DU6C U.B.C. UBRARY P i / _\ I.B.C LIBRARSES Les Libertins du xvip siècle CLAUDE LE PETIT COMPLÉMENT A SA BIO-BIBLIOGRAPHIE PAR F. LACHÉVRE EXTRAIT DE LA REVUE DES LIVRES ANCIENS Tome I, Fascicule 2, Juillet iiji'i PARIS FONTEMOING ET C»-. KHITEURS 4, RUi: LK GOKK, 4 Les Libertins du xvip siècle CLAUDE LE PETIT COMPLÉMENT A SA BlO-BlBLIOGRAPHIE PAR F. LACHÉVRE EXTRAIT DE LA REVUE DES LIVRES ANCIENS Tome I, Fascicule 2, Juillet 1913 PARIS FONTEMOING ET C'V KniTElRS 4, RUK LE GO FF, 4 1913 Les Libertins du xvii^ siècle CLAUDE LE PETIT COMPLÉMENT À SA BIO-BIBLIOGRAPHIE BIOGRAPHIE On ne sait rien de bien précis sur la famille de Claude Le Petit. Une note, d'une écriture du temps, que j'ai re- levée sur un exemplaire de Paris ridicule, Cologne, chez Pierre de La Place, 1668, note qui a été imprimée depuis, est muette sur le lieu de sa naissance : L'auteur de ce poème étoit fils d'un tailleur, il étoit bon Poète et avoit beaucoup d'esprit, mais fort libertin. II fut brûlé en place de Grève pour avoir fait plusieurs pièces satiriques particulièrement un livre infâme contre la V'ierge, ainsi il mourut au lieu qu'il appelle bien commode pour les infâmes; il avoit un frère qui étoit tailleur à Paris et qui ne sentoit guères moins le fagot que luy. D'après son interrogatoire du 3o août 16Ô2, Claude Le Petit était né à Breveuil près de Forges, et non à Beuvron près de Forges en Normandie, comme l'a écrit Tricotel, ou à Beuvron sur Auge, canton de Cambremer (Calvados , suivant M. Tamisey de Larroque. 11 s'agit de Beuvreuil, commune de Dampierre, canton de Gournay-en-Bray, à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Forges-lcs- Eaux. Le registre de l'état civil de Beuvreuil ^1539-1078) ne renferme aucun acte de naissance de la famille Petit ou CLAUDE LE PETIT. Le Petit, par contre celui de Dampierre nous apporte l'extrait suivant* : Le mercredy i g^ août dudit mois et an [i 63 g) fut bap- tisée Magdaleiue, fille de jnessire Dubois et de Claude Petit ses père et mère. Le p. Marin Petit de la paroisse de Cuy et la m. Magdaleine Dubois, La dame Dubois, ne'e Claude Petit, dont les parents habitaient Cuy, ne serait-elle pas la mère naturelle de Claude Petit, enfant né avant le mariage, non reconnu et, par conséquent, n'ayant pas d'état civil? Autrement Claude Petit eût été baptisé à Cuy, résidence de ses beaux- parents. Quoi qu'il en soit, le texte de l'interrogatoire de ce malheureux poète devant le Parlement de Paris ne nous fournit, non pius, aucune indication décisive, et celui de ses co-accusés est réduit à deux lignes : (( Claude Le Petit, 23 à 24 ans, advocat en la cour, natif à (sic) Breveuil en Normandie, proche de Forges. Dit quil a esté eslevé chei une de ses tantes et ensuite aux Jésuites; a faict sa philosophie et depuis a fait un voyage en Italie, en Hollande, en Espagne, qu estant re- venu d'Hongrie où il avait fait tous ces escripts et que c'est Chabat qui ayant rencontré il y a trois sepmaines l'accusé à l'abbaye de Saint-Germaint-des-Prés il luy dist que l'on disoit qu'il se vouloit fayre moyne et qu'il vouloit brusler ses satiriques, qu'il avoit cinquante pistoles à son service et f croient i?nprimer ledit livre et le venderoient , qu'il a donné à Rebuffé ledit livre à imprimer et luy donnoit quatre escus de la feuille'^. » 1. Nous devons ces renseignements à l'obligeance de M. Graillon, insti- tuteur à Dampierre. 2. Archives nationales X2*- 1027, registre non folioté, à la date. En marge à gauche les noms des juges : M. le Président de Mesmes; M. le Président Le Coigneux; M. le Président de Bailleul, MM. Le Musnier, Fayet, de Vas- san, Barentin, Le Tonnelier, Perrot, Ledoux, Frezon, Du Tillet (rappor- teur), Phelippe, Lecoq, Gaudart, Nevelet, Le Febvre, Mallebranche. CLAUDE LE PETIT. « Eustache Rebufféy 24 ans, imprimeur, fils de Jacques, hiterrogé qu'il a imprimé un mauvais livre. Dit que ce a esté la nécessité qui l'a fait faire. » « Pierre Rebuffé, 24 à 10 ans. Interrogé qu'il a eu cognoissance de l'impression que faisoit son frère. Dit que oui et que son frère luy disoit qu'il n'y avoit point de mal. » L'interrogatoire ci-dessus du 3o août 1662 des trois condamnés était la conséquence de l'appel qu'ils avaient formé des sentences des 26 et 29 août 1Ô62 de la Chambre criminelle du Chastelet '. Ces sentences sont perdues ainsi que les informations qui, sans doute, les précédèrent. L'arrêt fut rendu le 3i août 1662, il a été publié dans les Variétés bibliographiques de ^L Ed. Tricotcl;le texte qu'il en a donné est exact, sauf une légère erreur de lecture : il a imprimé que Le Petit sera brûlé \ïï avec son poème, alors que la sentence porte avec son procès, ce qui explique qu'il n'en reste rien aujourd'hui. BIBLIOGRAPHIE Nous avons inséré à la suite de la notice sur Claude Le Petit dans notre Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de iSgj à ijoo, T. III, p. 410, une biblio- graphie de ce poète plus importante que celle dressée par AL Ed. Tricoiel; nous la complétons aujourd'hui. I. — Si Claude Le Petit est né en iGSy au plus tard, comme c'est probable, il avait à peine dix-huit ans quand il a composé un madrigal de onze vers : Autheur foutu d'un foutu livre pour un livre infâme, L'Escole des filles (imitation de la Put tana errante do TArétin), imprimé à Paris en 1655. Ce madrigal est anonyme, mais comme son litre I. Cette sentence coiuiainnnii Le Petit au bûcher après avoir eu le poing coupé; Kustachc Rebutée h estre bastu et fustige; cl Pierre Rebuffc à cstrc admonesté. CLAUDE LE PETIT. figure à la table de l'ouvrage qui a entraîné la condamna- tion au bûcher de Claude Le Petit : Le B des Muses ou les neuf pucelles p , il n'y a aucun doute qu'il en soit l'auteur, c'est certainement la première poésie de lui qui ait été publiée. Hélot, l'auteur de L'Escole des filles, était un des com- pagnons de débauche de Claude Le Petit; plus heureux que son ami, il a échappé par la fuite au châtiment. Le récit du Carpenteriana nous apporte à ce sujet des renseigne- ments circonstanciés sur les poursuites dont il fut l'objet : Monet est le premier homme que nous aïons pour exceller dans les portraits en miniatures. J'ai sçu de lui une particularité assez curieuse, au sujet de VEscole des filles, que l'on vient d'imprimer en Hollande. Monet apprenait à dessiner à Ghauveau, lorsqu'un nommé Helot, fils d'un lieutenant des cent suisses du Roy, vint prier Ghau- veau de lui graver un petit sujet, ce qu'il exécuta selon l'idée que l'autre lui en donna, et tel qu'on le voit au devant de VEscole des filles^ dont Helot est l'auteur. Geluj-ci donna son manuscrit à un libraire du Palais, qui le fit imprimer; il le vendit sous le manteau, mais la justice aïant pris connoissance d'un livre si scandaleux, elle fit faire des perquisitions pour découvrir l'auteur, qui en aïant eu vent, sortit de France. Le libraire aïant décliné le nom de celui qui lui avait remis le manuscrit, Helot fut pendu en effigie*, tous les exemplaires de son livre furent brûlés au pied de la potence, et le libraire condamné à une peine affiictive. Ghauveau, qui ignoroit l'usage que l'on vouloit faire du sujet qu'il avoit gravé pour Helot, ne laissa pas d'estre inquiété. Le bailli du Palais vint le prendre chez lui, mais comme il n'avoit pas eu communication de VEscole des filles, il en fut quitte pour voir casser la planche qu'il avoit gravée, avec défense à lui d'en graver une seconde, si quelque imprimeur la lui demandoit. Il s'en faut bien que l'estampe qui est au devant de VEscole des filles que l'on vient d'imprimer en Hollande soit aussi correcte qu'estoit celle de Ghauveau. Peu de personnes ont de celles qui furent brûlées à Paris avec le livre. Une seconde édition de VEscole des filles fut imprimée I. Voici ce que dit Guy Patin dans sa lettre à Ch. Spon datée de Paris, ce lundi 26 de juillet i655 : « A mon retour on a ici pendu en effigie un nommé Helot, avéré auteur d'un infâme livre, intitulé VÉcole des Filles que l'on dit être tirée de l'Arétin. » CLAUDE LE PETIT. en i()(5i à Leyde, nous en avons la certitude par un pas- sage des Causeries d'un curieux de Feuillet de Conches (T. II, p. 544) : Un exemplaire en avait été saisi dans la table du cabinet secret d'une maison que Fouquet avait fait meubler pour sa maîtresse avec entrée mystérieuse. Les inventaires légaux disent : « un seul petit livre, VEscole des filles, imprimé à Leyde, si' sale, si impudent et si infâme, que nous avons cru devoir le faire brûler. »> Une troisième e'dition fut publiée en 1667; une qua- trième, augmentée, vit le jour en 1668 : L'Escole des filles ou la philosophie des dames, divisée en deux dialogues Agere et Pati. (Corrige et augmenté d'un combat (en vers) et d'un dialogue (en vers), et une instruction des Curiositez dont la méthode de trouver {sic) est marquée par leurs nombres suivant les tables. Imprimé à Fribourg chez Roger Bon temps Tan i66«*^. In-r2 de 32 p. n. chiff. et 224 p. chitT. Dans cette édition, le madrigal de Claude Le Petit (n. s. bien entendu) est adressé à M. Militot. Cette édition de 1668 a été réimprimée au nix"" siècle à Bruxelles, aux dépens des dames de la rue St-Laurent (s. d.) par Poulet-Malassis. On cite encore trois éditions : suivant la copie imprimée A Paris {en Allemagne), i6ji, petit in-12 de \C)2 p.; une 'seconde /l/t7 Ville franche sous la presse des paillards y 16S6, petit in-12 de 172 p.; et la dernière .1 Liège et se trouve dans toutes les bibliothèques des religieux et religieuses de tout l'Univers, s. d., in-12, sans compter les réimpressions partielles avec d'autres pièces de même genre. H. — Pour la première fois, nous avions indiqué, dans la même Bibliographie des recueils collectifs, la pari prise par Claude Le Petit à la Muse de la (!our\ Il a composé I. La Muse de la Cour de iC>5(') et 1Ô57 est la gazette la plus rare de toutes. Hatin ne la elle pas, il n'en existe pas de collection complète. Seule la R. N. en p<»ssède une partie. Le premier numéro de itoj est du 26 levner et le dernier le w 3; du 2tj déc*"*, il manque les numéros 1, 7, 8, 19, ai, 3i et 37. CLAUDE LE PETIT. et signé les N""' 24, 25, 27, 28 et 29, soit ceux du 10 sep- tembre au 28 octobre 1657, de cette gazette en vers. La pièce que nous reproduisons ci-après doit être un extra- ordinaire de ladite Muse de la Cour; datée du 17 juillet, elle prouverait que notre Claude Le Petit était déjà le rimeur attitré de la publication d'Alexandre Lesselin, mais sans cependant y mettre encore sa signature. Cet extraordinaire traite un sujet qui intéressait parti- culièrement ce libertin : l'embarquement pour l'Amérique des Manon Lescaut de l'époque. Il ne possède qu'un titre de départ : L'Adieu des filles de joye à la Ville de Paris : Esprits, qui faute de matières, Croupissez dans l'oisiveté, Et privez la postérité De vos esclatantes lumières; Apprenez en lisant ces vers Que c'est affronter l'Univers, Consumer à crédit les encens de la Muse, Faire au pauvre Renom incartade tout net. Qui d'un sujet fameux enflant la cornemuse. Fait pulluler la corne, et vuider le cornet. Demeurez donc dans le silence Ténébreux enfans de la nuict, Goustez sans allarme, et sans bruit, Les douceurs de la nonchalance. Je chante en dépit des destins Le dolent Adieu des Putains, De leur mourant trafic, la déroute mortelle. Ce n'est point profaner l'eau du sacré ruisseau. J'ayme mieux rendre en vers la Muse maquerellc Que de passer en prose ailleurs pour maquereau. Muse aux gages de Cythèrée, Qui rime si souvent pour rien, Qui te nourris de rost de chien. Et d'autre semblable denrée : Pour te fortifier les flancs D'un quartron de mirobolans : Je te regaleray ma gaillarde Eratine, Conduis de l'œil ma plume en l'essor qu'elle a pris, Assise sur ton cul monstre m'en la routine Et fay parler tes sœurs, les Nimphes de Cypris. CLAUDE LE PETIT. Je voy parestrc la première, La grande Jeanne au nez de rubis, Qui jadis remporta le pris Dans la plus fameuse carrière; I oin de pleurer ses péchez vieux \'ous la voyez chier des yeux Tour quelque accolade nouvelle, Dans cet événement fatal Qui la conduit de l'escarcelle Au grand chemin de l'Hospital. Cette vieille rosse est suivie Des officieres du mesticr, Qui chacune dans son quartier Usa les beaux jours de sa vie, A présent leurs feux languissans Solicitant en vain leurs sens Aux doux efforts de la nature, On voit ces squelettes maudits, Mcsme acheter avec usure L'amour qu'elles vendoient jadis. Leur affliction est publique Comme leur chaude amour la fut, tt toutes, lisant le statut, Pestent contre la Politique. Les demoiselles du Marais, Les courtisanes du Palais, Les Infantes du Roy de cuivre. Celles de la butte Saint-Roch, Dans ce grand chemin se font suivre Des pauvres coquettes sans coq. Catin, Suzon, Marotte, Lise, Dans l'oisiveté de leurs traits Pleurent maint page, et grand laquais, Dont elles perdent la chalandise; F';inchon regrette son Courtaut, Niriette son Paillard badaut, Janncton ses pauvres Soudrilles, Qui dedans sa tentation l'scroquoit aux malheureux drilles Solde, et pain de munition. Après les superbes Infantes, Les teins de rozes et de lys, Les Nichons, les Amarillis, Le;* (^limcncs, les Amarantes, Songeantauxbonscoupsde muzeaux Qu'elles avoient des Demoiseaux, Mangeant le chasseur et laproye : Le commun escuëil d'amitié Les change de filles de joye En pauvres tilles de Pitié. La Bourgeoise, avec la Marchande, La Demoiselle au cul crotté Suivant cette fatalité, Croissent cette nombreuse bande, La noblesse s'y trouve aussi. Les Nymphes à l'amour chancy, Enfin toutes les bonnes Dames Qui se gouvernent un peu mal, Ayant brûlé de mesmes fiâmes, Ont toutes un destin esgal. Jeanne de qui la beauté morte Servoit de phanal à leur cours. Ayant laissé loin les Fauxbourgs Avec sa pleurante cohorte; Les longs sanglota, et les hauts cris Qu'elle poussoit devers Paris, Réveillant sa réminiscence. Elle mit la campagne à dos, Et sur le haut d'une eminence Rompit le silence en ces mots : Fameux tesmoin de nos disgrâces, Toy qui le fus de nos plaisirs, Qui tiens de nos seconds loisirs L'immortalité de tes races, Charmant séjour des voluptés, Retraite des Divinités Par qui Vénus se faisoit craindre : Adieu Paris délicieux Ta perte achèvera de peindre Le pauvre petit Dieu sans yeux. Reaux favoris des Dieux Pénates, Sacrez hostes de ses maisons, Chers habitans de ces cloisons Où nichent maints gros rats et ratles: bourgeois de Paris renommez, .\dieu chers amis bien aymez i^ui dedans vos innocens crimes Rendant d'Hymen les yeux hagards, Eistes de vos feux légitimes L'immortalité des basturds. N'oble et vigoureuse jeunesse, iklle cause de nos transport!^, Et qui dedans vos grands etlui t» 10 CLAUDE LE PETIT. Ne meslez ny soins, ny tristesse. Adieu chers enfans sans soucy, Dedans Testât où nous voicy Déplorez nos mal-heurs tragiques, Hélas, Cupidon aux abois, Perdant vos célèbres pratiques Perd les flesches de son carquois. Soustiens denos mourantes flammes, Rustiques et vains bestiaux, Sots amoureux Provinciaux Mal instruits au mestier des Dames, Ignorans et pauvres cocus. Combien de sonnans quart-d'escus Pour apprendre nostre morale Avez-vous tiré du gousset. Tandis que la Provinciale Presentoit à tous le Placet. Vous, braves et traîneurs d'espées. Désolez batteurs de pavé, Bretteurs qui d'un pauvre observé Pistes tant de franches lipées; Combien de savoureux morceaux Qui vous passoient par les museaux Vous sont flambez par cette chance, Et si vous estiez nostre appuy, \'ous voyez dans la décadence, Que nous estions le vostre aussi. Liquide et superbe campagne Qui flotte en un lit de cristal De la Princesse du coral, Favorite et chère compagne, Nymphe gracieuse aux yeux verts, Adieu Seine, à qui l'Univers Doit le partage de sa gloire. Combien de fois (doux souvenir) Avons-nous sur ton sein d'yvoire Cherché les races à venir. Combien de belles promenades Sur le doux courant de tes eaux, Qui du débris de ses roseaux P'aisoit un lict à ses Nayades, Surenne, Ablon, Chaliot, sainct Clou, Sainct Denis, Asnieres, Chatou, En ont bien augmenté leurs rentes ; Traisne à jamais ton cours fameux Et dessus tes ondes flottantes Porte le renom de nos feux. Chefs-d'œuvre de l'Architecture, Adieu grands Palais enchantez A la gloire des Posteritez Et la honte de la nature, Derniers eff'orts des plus beaux traits, Place Royale, beaux Marais, Adieu triomphantes demeures. Où dedans le sein des Amours Nous avons consumé les heures Les plus charmantes de nos jours. Adieu grand jardin que j'adore, Refuge de mille beautez, Qui dans les importunitez Se retirent au sein de Flore, Grands Parterres, illustres bois, Qui faites le plaisir des Roys, Chers tesmoins de nos fourberies Et de nos amoureux secrets : Adieu plaisantes Thuilleries Vous ne nous reverrez jamais. Le plus superbe des ouvrages Vaste promenoir suspendu. Où le sort plaint le temps perdu A tant de differens usages. Adieu Pont-neuf; Adieu Fauxbourg Où l'admirable Luxembourg Fait voir ses bastimens superbes Et ses délicieux jardins, Dont l'Aurore arrose les herbes Fecondement tous les matins. Terre jadis nostre refuge, Lieux à Palemon immolez. Mémorables et signalez Par la naissance d'un Déluge, Champs presque déserts aujourd'hui, Où jadis la Mirthe à l'envi DesPampres nous donnoit de l'ombre, Lit de cent ruisseaux cristallins, Féconds en miracles sans nombre, Adieu renommez Gobelins. TemplesduDieuvainqueurdes Indes, Habitez des jeux et des ris. Où l'on voit le fils de Cypris Dans les carousses et les brindes; Vénérables et saincts autels. Le seur Azile des Mortels CLAUDE LE PETIT. 1 1 Les Adorateurs de la Coupe^ Cabarets, ostez vos bouchons Et venez dans la Guadaloupe Faire de nouvelles moissons. Vous,qui du grand Chantre dcThrace Imitez les accords charmans, Qui dans les divertissemens Méritez la première place, Adieu Menestriers joyeux, Adieu concers harmonieux, Adieu musiques ravissantes, Cherchez de nouveaux Apollons : Car ces pratiques violentes Vont bien faire des Violons. L'honneur de nos fiâmes errantes, Magnifique et rare appareil, Fameux ennemis du soleil. Pompeuses machines roullantcs, Errantes et fortes maisons. Douces et charmantes prisons, Adieu Fiacres, adieu Carosses, L'Hymen est vostre seul recours, Et si vous ne courez aux nopces, Dites adieu pour jamais au Cours. Pour vous, qui dans la conjoncture Où panchent nos mal-heurs publics Voyez vos chancelans trafics Deconfis à platte couture, Consolez-vous pauvre Sautour, Le sort vous fait un mauvais tour. Loueurs, et cochers, aux carrières. Où continuant vos travaux De ceux à trente-six portières Soyez les Phaiitons nouveaux. Enfin pour terminer mes plaintes Adieu commodes rendez-vous. Où nous faisions de si bons coups Profanant les choses plus saintes. Adieu Minimes, Cclestins, Carmes, Jésuites, Augustins, Adieu Palais, saintc-Cliappcllc ; Si vostre Temple fut taché De nostre tlame criminelle Nous en portons bien le péché : Innocente race future, Qui verras en lisant ces vers Qu'on fait périr dans l'Univers Tous les Supposts de la Nature. Que diras-tu, siècle à venir. Voilà de quoy t'entretenir, Sur ces déplorables matières, Qu'il faille en ce siècle brutal Pour estre trop Hospitalières Qu'on nous réduise à l'Hospital. Mais c'est l'arrest irrévocable Qu'en a prononcé le destin, Que par un ascendant mutin Le Ciel semble rendre équitable : Puisque le sort l'a résolu Voulons tout ce qu'il a voulu. Mescheressœurs, bandons nos voiles, Et puisque dedans ces bas lieux L'on nous a pris pour des Estoiles, Nous serons des Astres aux Cieux. Dedans le coup qui m'assassine Je ne plains rien que vos appas Qui donnoient de si bons repas Aux Messagères de Cyprine, Mais consolez-vous, chères sœurs, Vous avez goûté les douceurs Les plus charmantes de la vie; Le temps que vous avez perdu Fait crever de rage l'envie Puisque vous l'avez bien vendu. Aveugle, de race céleste, Deïté de qui tout prend loy, Qui vois de nostre utile employ La décadence manifeste, Souverain Maistre de nos sens Qui rend par nos fameux encens Ta force en merveilles féconde, Tu péris dans cet horizon; Faudra-t-il que le nouveau monde Mette le vieux :\ la raison ? Doux Prince des molles délices Amour, je remets en tes mains L'intorcstde tous les humains Kt la vengeance des complices. Il y va trop de ton honneur. Monstre dans la juste fureur Que tout cède aux traits de ta trou«sc ; 12 CLAUDE LE PETIT. Ou dedans ce pressant besoin Il vaudroit mieux jouer du pouce Que de te voir pousser plus loin. A tant se teut la grande Jeanne, S'en allant droit à Scipion D'une grande dévotion A la suite un sonnet : Aveque sa troupe profane. Moy qui voiois leur entretien Et qui remarquois leur maintien J'en fis confidence à la Muse, La Muse avec sincérité Sans s'amuser à faire excuse Le laisse à la postérité. C. L. P. Consolation aux Dônes et Don^elles, sur leur départ pour P Amérique. Cessez Dônes, cessez mal-heureuses Donzelles, Dans vostre desespoir de souhaiter la mort ; Bénissez seulement sans accuser à tort Le destin qui vous meine en ces terres nouvelles. Tout le Corps précieux des tendres Demoiselles, Quoique certaine en doute, et n'en soit pas d'accort, Vous accompagnera malgré le vain effort Que feront leurs Galans^ leurs Amis, leurs Ruelles. Ne croyez pas aller en des déserts affreux. Où l'on n'est point picqué d'aucun trait amoureux ; Du plus barbare peuple Amour perce les âmes. Ils sçavent contenter ainsi que nos Amans; Et comme le Soleil leur prodigue ses fiâmes, Vous participerez à leurs embrasemens. M. T. Et cet avis : AU LECTEUR Je pretens vous faire part au premier jour (si vous voyez de bon œil ce petit effort de ma Muse) de tout ce qui s'est fait et passé à la prise et magnifique conduite de ces belles et joyeuses Dames ; leur Embarquement, les Réceptions qui leur seront faites aux Villes, Bourgs, et Villages de leurs routes, les Députez qui leur feront Ha- rangues et Complimens à leurs Entrées, les Feux de joye, Bals et Comédies, et autres passe-temps pour les divertir*. A Paris chez Alexandre Lesselin, rue de la Barillerie^ à la Fontaine des Pastoureaux proche le Palais, ce 17 juillet 1657. Avec Privilège. On avouera que les deux pièces ci-dessus — le madrigal sur VÉcole des Filles et V Adieu des Filles de joye — I. Nous ne savons si cet extraordinaire a vu le jour. CLAUDE LE PETIT. i3 annoncent bien l'ouvrage qui devait réserver à Claude Le Petit un si cruel châtiment. III. — En dehors de la curieuse édition faite au xvin*^ siècle de Paris ridicule^ Londres, 1748, qui avait échappé à tous les bibliographes, saufàM.Paul Lacombe*, en voici une autre, non moins rare, perdue au milieu des innombrables notices sur les livres anciens du Bulletin du Bibliophile (juillet 1862) : La chronique scandaleuseou Paris ridicule de C. Le Petit S. /. I ô'] I . Petit in-i 2 de 8 et 44 p. y compris deux titres. Le premier titre porte : Paris ridicule de AL Bussy- Rabutin, le second est celui ci-dessus. Le scandale causé à la Cour de France par VLIis taire amoureuse des Gaules^ dit Paul Lacroix, dont les éditions subreptices se multi- pliaient partout à cette époque, avait paru à l'éditeur anonyme de Paris ridicule une excellente amorce pour prendre à l'hameçon les acheteurs, qui ne savaient pas que le comte de Bussy-Rabutin était tout à fait étranger à cette violente satire. Il n'y avait pas encore dix ans que le poète de Paris ridicule avait été pendu et brûlé en place de Grève et Bussy-Rabutin était allé seulement passer quelques mois à la Bastille. Cette édition est moins complète que celle de 1668 et son texte est très inférieur. Toujours suivant Paul Lacroix, les deux titres de l'édition de 1671 résultent de ce que l'impression du livre avait été commencée de deux manières, d'abord avec cet intitulé en tète de page : La chronique scandaleuse ou Paris ridicule, 8 pages y compris le titre qui porte le nom de C. Le Petit; la seconde, avec cet intitulé : Paris ridicule de M, Bussy-Rabutin, 4 j. pages y compris le titre au nom de Bussy. (^e sont d'ailleurs deux portions du même poème, séparées par un caprice de l'imprimeur. I. ("r. Revue des Livres anciens, t. I, p. 108. niSCAl î< - h- ^^:-^:.>uf >:>::. ^lAf is^rrJs^y 4 "à"'"-*^' --m .^■^y^'- >lfps>5;-"'^^ fè^ 4^^ '• '4 ^'•\ i^ ^ l ■MMt -;^^ -o"^' ^^ ^- ■^:: ^ï^^^S^' T'^v^^JlteM;^^^^ ^^-